Chacune d’elles obéit à un schéma bien précis. D’abord, au rez-de-chaussée, des boutiques, des salles de sport, des restaurants ou une galerie commer- ciale. Puis, aux premier et deuxième étages, une salle de bal – avec piste de danse et mezzanine – consacrée aux activités culturelles ou folkloriques. Enfin, dans les niveaux supérieurs – deux ou trois, c’est selon – les logements. L’appartement du dernier étage, baptisé El Cholet – jeu de mot un brin péjoratif entre les vocables «chalet» et «Cholo/a» (Bolivien/ne d’origine indigène) –, est, en principe, réservé aux propriétaires (commerçants, transporteurs ou restaurateurs), issus de la nouvelle bourgeoisie aymara. «Ils peuvent ainsi jouir de leur puissance économique, obtenue grâce à leur travail ardu», lance tout de go Freddy Mamani Silvere.Leurs biens sont, avant tout, des symboles flamboyants de leur réussite. Ils fonctionnent d’ailleurs sous forme d’«écosyème». «Cette typologie se répète pour une raison très précise, indique l’architecte. Ces édifices sont construits ainsi parce qu’ils sont “autodurables”, c’est-à-dire qu’ils génèrent leur propre argent.» La location d’une poignée de logements, de la salle de bal et des commerces du rez-de-chaussée est évidemment une manne non négligeable, sachant que le coût de la construction de ce type d’immeubles s’élève entre 250 000 et 600 000 dollars américains, et peut, parfois, grimper jusqu’à 1 million. Une véritable fortune pour le Bolivien lambda. Pas étonnant alors que Freddy Mamani Silvere affiche un enthousiasme à toute épreuve. «J’ai déjà réalisé plus de cent bâtiments dans ce yle “Neo Andino”, une grande majorité, bien sûr, à El Alto, mais également dans des capitales de province ou dans d’autres villes à l’intérieur du pays», annonce-t-il fièrement. «L’architecture peut donner beaucoup d’émotion et de passion, souligne l’architecte. Personnellement, j’essaie de les transmettre à tout un peuple. En particulier, à travers cet art qu’est l’architecture néo-andine, laquelle tente toujours de saisir le meilleur d’une identité millénaire.» Le curseur est assurément placé très haut. Normal, nous sommes, rappelons-le, à 4 000 mètres au-dessus du niveau de la mer !